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Sainte Anne Chalvet - EMBRUN

Histoire de Ste Anne

Sainte Anne est la mère de la Vierge Marie et donc la grand-mère de Jésus dans la tradition chrétienne ainsi que dans la tradition musulmane sous le nom de Hannah. Aucun texte du Nouveau Testament ne mentionne la figure d'Anne qui apparaît dans des apocryphes dont la critique historique estime que, tout comme les récits d'enfance ajoutés tardivement aux évangiles selon Luc et selon Matthieu, ils sont encore plus légendés que la partie centrale des évangiles. Comme pour les évangiles, il n'est toutefois pas exclu que ces textes contiennent certaines traces historiques. Comme dans les évangiles canoniques, ceux qui ont été déclarés apocryphes effectuent de nombreux parallèles avec des passages de l'Ancien Testament, pour convaincre leurs lecteurs de leur démonstration. Ainsi dans la tradition chrétienne, le personnage d'Anne fait souvent référence à son homonyme Hanna, mère de Samuel, prophète et dernier juge d'Israël. Il en est de même dans la tradition musulmane.

Des évangiles qui ont été déclarés apocryphes par la suite, la dépeignent comme une femme pieuse longtemps stérile. Une scène de sa vie légendaire est la rencontre miraculeuse d'Anne et de son mari Joachim à la Porte dorée à Jérusalem, après l'annonce au couple de la prochaine naissance d'un enfant.

L'Église de l'Orient accepte ces récits, dans une version présentée comme une traduction par saint Jérôme, qui leur ôte les traits les plus merveilleux. Beaucoup de saints orientaux ont prêché sur sainte Anne, tels saint Jean Damascène, saint Épiphane, saint Sophrone de Jérusalem. Dans la tradition musulmane aussi, Anne appelée Hanah est la mère de Marie (Maryam), elle-même mère de Jésus-Îsâ.

La dévotion à sainte Anne, limitée longtemps à quelques sanctuaires, se répandit dans le monde catholique à partir du XIVe siècle, avec la propagation des récits de la Légende dorée.

Récits de la vie de sainte Anne

Des récits concernant la mère de la Vierge Marie, et donc la grand-mère maternelle de Jésus-Christ, apparaissent pour la première fois dans le protévangile de Jacques, apocryphe de la deuxième moitié IIe siècle, et, partiellement tiré de lui, dans le Pseudo-Matthieu plus tardif. Ces apocryphes et des traditions de la Sainte Parenté collectées dans la Patrologia Graeca racontent que ses parents, Akar (Isachar dans le Pseudo-Matthieu, Stolanus dans des traditions byzantines) et Émérencie, sont de la tribu des Lévi. Akar possède des terres à Bethléem et Jérusalem. Avec sa femme, ils donnent naissance à Isménie vers 63 av. J.-C. (au moment de la conquête romaine de la Palestine) et à Anne vers 55 av. J.-C.. C'est à cette époque que la famille s'installe à Hébron où Isménie se marie et devient la mère de sainte Élisabeth. Quant Anne a neuf ans, ses parents déménagent à Jérusalem où Akar a des responsabilités au Temple. Selon une tradition chrétienne orientale, la crypte de l'église Sainte-Anne de Jérusalem serait située sur le lieu de la maison d'Akar et dans laquelle serait née Marie.

Le Protévangile raconte également la rencontre entre Anne et Joachim, éleveur venu faire sacrifier des bêtes de son troupeau au Temple. Or, il devait au préalable laver ses moutons dans la piscine de Bethesda près de la Porte des Brebis et Anne se tenait à cette porte de la ville, si bien qu'elle vit Joachim arriver avec ses troupeaux. Ils se marient à l'âge de 20 ans.

Selon une interprétation théologique, la vie de sainte Anne serait à mettre en parallèle avec celle d'Hannah et de son fils, le prophète Samuel de l'Ancien Testament. D'après la tradition chrétienne, après un mariage de vingt ans sans enfants avec Joachim (hébreu : Jojakim), le couple divorça probablement8, Joachim désespéré se retirant dans le désert dans le monastère Saint-Georges de Choziba. Mais un ange leur annonça la venue d'un enfant, si bien que le couple se reforma et Anne enfanta Marie. Ils avaient fait un vœu et menèrent Marie lorsqu'elle avait trois ans, ou un peu plus tard selon d'autres traditions, au temple à Jérusalem pour qu'elle y soit éduquée, par Zacharie, un grand prêtre, père de Jean le Baptiste futur cousin de Jésus.

Le Speculum historiale du dominicain Vincent de Beauvais et la Légende dorée3, une compilation des traditions chrétiennes effectuée au XIIe siècle, relate la postérité légendaire de sainte Anne d'avec son second époux, Cléophas, frère de Joseph (leur fille, Marie Jacobé, épousa Alphée et ils eurent comme fils : Jacques le Mineur, Joseph le juste, Simon le Zélote et Jude), et celle d'avec son troisième époux Salomé (leur fille, Marie Salomé, épousa Zébédée et ils eurent comme fils : Jacques le majeur et saint Jean l'évangéliste). La légende du triple mariage (Trinubium Annae) est peut-être due au bénédictin Haymon d'Auxerre. L'ensemble de cette postérité est appelée La Sainte Parenté, en opposition à La Sainte Famille, et a donné lieu à nombre représentations iconographiques10 surtout en Allemagne (Die Heilige Sippe) et dans l'Europe du Nord.

Culte

En 550, on construit une église à Constantinople en l'honneur de sainte Anne. Le 26 juillet marque sans doute l'anniversaire de la dédicace de cette basilique. Les Franciscains l'ont inscrite à leur calendrier le 26 juillet 1263. Son culte connaît une ascension régulière depuis le XIVe siècle, dont témoigne le nombre croissant des œuvres d'art qu'il suscite (qu'on peut voir par exemple dans la multitude des statues montrant Anne, Marie et l'enfant Jésus, appelées « trinités mariales », en parallèle à la sainte Trinité). Mais l'Église interdit la représentation des trinités mariales pour éviter la confusion avec la Trinité au sens théologique. Sa popularité est telle que les Confréries de sainte Anne se multiplient à cette époque.

Urbain V, dès 1370, fait rajouter dans son Missel une messe en son honneur avec une miniature de la sainte et Urbain VI l'étend à toute l'Église, en 1382, lors du mariage de Richard II avec Anne de Bohême. En 1481, le pape franciscain immaculiste Sixte IV fait ajouter la fête solennelle de sainte Anne au calendrier de l'Église romaine, le 26 juillet. En 1494 paraît le traité De laudibus sanctissimae matris Annae de Johannes Trithemius qui joue un grand rôle dans la propagation de son culte. Au XVIe siècle, les réformateurs s'indignent de « la prolifération des reliques et des légendes parasitaires » relatives à sainte Anne, si bien que le pape Pie V supprime son office en 1572 mais elle reste populaire comme en atteste le fait qu'Anne devienne, comme Marie, un prénom masculin très fréquent au XVIe siècle.

Si, en terre réformée, son culte décline rapidement, dans le monde resté catholique, il poursuit une belle carrière après avoir failli succomber aux épurations qui accompagnèrent le Concile de Trente. Grégoire XIII, sous la pression de la Contre-Réforme qui favorise le culte des saints rétablit sa fête officielle le 26 juillet (bulle du 1er mai 1584) et Grégoire XV, dans son bref apostolique Honor laudis du 23 avril 1622, en fait une fête obligatoire et chômée. Elle est célébrée sous le rite double majeur jusqu'à Léon XIII qui la rétrograde au rang de simple fête paroissiale de deuxième degré en 1879. Enfin en 1964, Paul VI fusionne sa fête avec les deux fêtes que possédait jusque-là saint Joachim le 20 mars et le 16 août.

Cette ambivalence du culte de sainte Anne au cours de l'histoire s'explique d'une part par des rivalités entre clergés (ce sont ses promoteurs monastiques — bénédictins, chartreux, franciscains — qui écrivaient les légendes à son sujet, organisaient son culte et surtout, en tiraient profit aux dépens des ressources du clergé paroissial), d'autre part par les nombreuses légendes autour de la sainte qui renforçaient la foi du peuple triomphant, s'opposant à l'incrédulité des doctes et à la réticence des autorités religieuses à autoriser un culte qui relevait du folklore populaire.

La tradition provençale

La cathédrale Sainte-Anne d'Apt, placée durant tout le Moyen Âge sous le double patronage de Notre-Dame et Saint-Castor, est une ancienne cathédrale catholique romaine française, située dans la ville d'Apt. C'est l'une des plus anciennes églises d'Occident à avoir mis en honneur le culte d'Anne, l'aïeule du Christ. Déjà, au cours du XIIe siècle sa fête y était célébrée le 26 juillet lors d'un office à neuf leçons.

Une partie de ses reliques que la tradition dit avoir été rapportée d'Orient, y est toujours vénérée. Et celles qui se trouvent en Bretagne, notamment à Sainte-Anne-d'Auray, en Italie ou au Canada proviennent d'Apt.

La reine de France, Anne d'Autriche, pour remercier sa sainte patronne de lui avoir permis d'être mère, vint à Apt le 27 mars 1660. Son pèlerinage accompli, elle fit don de reliquaires en or à l'évêque Modeste Villeneuve des Arcs qui l'avait accueillie et l'incita à faire construire ce qui est aujourd'hui devenu la « Chapelle Royale ». Les plans furent dressés par François Mansart, les travaux activés et la chapelle consacrée le 26 juillet 1664.

Un morceau du chef de Sainte Anne se trouve dans l'église de Chiry-Ourscamps, ramené de Constantinople à l'époque des croisades. La relique se trouve dans une châsse offerte par Mgr Le Senne en 1929. Un pèlerinage a lieu tous les ans le 26 juillet à la paroisse Sainte Anne de Chiry-Ourscamps. Les églises de Castel-Buono et de Bologne en Italie, de Duren et d'Ursitz en Allemagne, d'Apt, de Chartres et d'Ourscamp en France possèdent actuellement des fragments du chef de Sainte Anne.

L'église Saint-Thomas de Saint-Thomas-de-Courceriers abrite une relique attribuée à Sainte Anne, constituée d'une phalange distale de l'index de la main droite.

La « grand-mère des Bretons »

En Armorique, le culte de sainte Anne ne remonte pas au-delà du XIIe siècle mais eut une diffusion importante, alimentée par la figure de l'antique déesse Ana/Dana (la déesse-mère des Tuatha Dé Danann en Irlande). Sa popularité chez les Bretons est généralement expliquée par cette rémanence de l'antique déesse celtique Dana.

En breton, sainte Anne est surnommée « Mamm gozh ar Vretoned », c’est-à-dire la grand-mère des Bretons. Plusieurs légendes la rattachent à la Bretagne. Une première légende la décrit comme originaire de Plonévez-Porzay. Dans un autre récit, publié par Anatole Le Braz, Anne est mariée à un seigneur cruel et jaloux, qui lui interdit d’avoir des enfants. Lorsqu’elle tombe enceinte, il la chasse du château de Moëllien. Son errance avec la petite Marie la conduit à la plage de Tréfuntec où l’attend un ange, près d’une barque. Selon la volonté de Dieu, l'ange l'amène jusqu’en Galilée. Bien des années plus tard, Marie épouse Joseph et devient la mère du Christ. Anne revient en Bretagne pour y finir sa vie dans la prière et distribue ses biens aux pauvres.

D'après un autre récit, Anne serait apparue à un paysan, Yves Nicolazic, en 1624 près d'Auray en Morbihan. Elle lui a demandé la construction d'une chapelle en son honneur, en ce lieu du village de Ker-Anna (qui en breton signifie Le village d'Anne) devenu champ qui la louait autrefois. Dans la nuit du 7 mars 1625, Yves Nicolazic, son beau-frère et 4 voisins, parmi lesquels certains rapportèrent avoir vu un flambeau les guider, déterrent une statue qui, après avoir été discrètement resculptée par les moines capucins, sera reconnue comme celle de la sainte. Après enquête, l'évêque de Vannes autorise la construction de la chapelle devenue basilique au fil des ans. Le lieu a pris le nom de Sainte-Anne-d'Auray. Le pardon qui s'y déroule chaque année est le plus important de Bretagne, 3e lieu de pèlerinage en France après Lourdes et Lisieux.

En 1996, à l'initiative de l'évêque en place Mgr Gourvès, le pape Jean-Paul II vient la prier dans son sanctuaire breton. Il est le premier pape à avoir foulé le sol de Bretagne. Marie d'Agréda aurait également eu des visions en rapport à la vie de Sainte Anne.

Patronage

Sainte Anne est la sainte patronne d'Apt, où se trouvent ses reliques, dont sont issues pour une part celles de Florence, d'Innsbruck, de Naples, de Mainar, de la Bretagne et de la province de Québec.

Elle est à la fois la patronne des laïcs et des clercs, des matrones et des veuves. Elle préside à la sexualité du couple autant qu'à l'abstinence des moines, elle favorise les accouchements et ressuscite même les enfants mort nés. Elle assure sa protection aux tourneurs, sculpteurs, ébénistes, orfèvres, fabricants de balais, navigateurs et mineurs, mais surtout à des métiers manuels féminins : gantières, bonnetières, couturières, lavandières, blanchisseuses, cardeurs, chiffonniers, dentellières, brodeuses, fabricants de bas.


Bibliographie

Gaston Duchet-Suchaux et Michel Pastoureau, La Bible et les saints : guide iconographique, Paris, Flammarion, coll. « Tout l'art », 1993 (ISBN 2-080-12256-8)
Jouve (Abbé), L'ancienne cathédrale d'Apt, Paris, Librairie archéologique d'Alphonse Pringuet, 1859 Document utilisé pour la rédaction de l’article
Jean Barruol, Sainte-Anne d'Apt, d'après une documentation nouvelle, Apt, Éd. Reboulin, 1964, 32 p. Document utilisé pour la rédaction de l’article
Guy Barruol, Provence romane 2, La Pierre-qui-Vire, Zodiaque, coll. « La Nuit des Temps » (no 46), 2000 (ISBN 2-736-90140-1) Document utilisé pour la rédaction de l’article
(br)(fr) Job An Irien et Yves-Pascal Castel, Sainte Anne et les Bretons - Santez Anna, Mamm goz ar Vretonned, Landerneau, éditions Minihi Levenez, coll. « Minihi Levenez » (no 39-40), 1996 (ISBN 978-2-708-23007-1, OCLC 865315790) (ouvrage bilingue breton-français)
Claire Heartsong (trad. Huguette Demers), Anna, grand-mère de Jésus, Outremont (Québec), Ariane édition, 2009, 404 p. (ISBN 978-2-896-26063-8)
Yves Morvan, « Et c'est ainsi qu'Anna est grande : Découverte de peintures murales dans l'église Saint-Vincent de Saint-Flour », Bulletin historique et scientifique de l'Auvergne, t. XCIX,‎ 1998, p. 209-237 (ISSN 1153-2599)
Rosa Giorgi (trad. D. Férault), Les saints, Paris, F. Hazan, coll. « Guide des arts », 2003 (ISBN 2-850-25856-3)

 

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